L’autobiographie et l’autofiction:    Extrait de Céline «  Voyage au bout de la nuit »,1932) : Analyse



Dans cet extrait, Ferdinand Bardamu, le héros du roman de Céline voyage au bout de la nuit, est à l’hôpital psychiatrique après avoir participé à la guerre. Il parle  avec Lola; sa petite amie américaine ; venue lui rendre visite.
Est-ce vrai que vous soyez réellement devenu fou, Ferdinand? me demande-t-elle un jeudi.
-Je le suis ! Avouai-je.
-Alors, ils vont vous soigner ici ?
-On ne soigner pas la peur, Lola ?
-Vous avez donc peur tant que ça !
-Et plus que ça encore, Lola, si peur, voyez-vous, que si je meurs de ma mort à moi, plus tard, je ne veux sur surtout pas  qu’on me brule ! Je voudrais qu’on me laisse en terre, pourrir au cimetière, tranquillement, là, prêt  à revire peut-être… sait-on jamais ! Tandis que si on me brulait en cendres, Lola, comprenez-vous, ça serait  fini, bien fini…. Un squelette, malgré tout, ça ressemble encore un peu à un homme …. C’est toujours plus prêt à revire que des cendres …. Des cendres c’est fini ! …. Qu’en dites-vous ?... Alors, n’est-ce pas, la guerre…
-oh ! Vous êtes donc tout à fait lâche, Ferdinand, vous êtes répugnant comme un rat… pas moi … je ne me résigne pas moi … je ne pleurniche pas dessus moi…je la refuse tout net avec tous les hommes qu’elle contient, je ne veux rien avoir à faire avec eux, avec elle.
Seraient-ils neuf cent quatre-vingt-quinze millions et moi tout seul, c’est eux, avec elle.
C’est moi qui ai raison, parce que je suis le seul à savoir ce que je veux : je ne veux plus mourir.
-Mais c’est impossible de refuser la guerre, Ferdinand ! il n’ya que les fous et les lâches qui refusent la guerre quand leur patrie est en danger…
-Alors  vivent les fous et les lâches! ou plutôt  survivent les fous et lâches ! Vous souvenez-vous d’un seul nom opa exemple, Lola, d’un de ces soldats tués pendant la guerre de cent ans ?  …..avez- vous jamais cherché à en connaitre un seul de ces noms ?.... non, n’est-ce pas inconnu que le dernier atome de ce presse-papiers devant nous, que votre crotte du matin… Voyez donc bien qu’ils sont morts pour rien, Lola ! Pour absolument rien du tout, ces crétins ! Je vous l’affirme ! La preuve est faite ! Il n’y arque la vie qui compte. dans dix mille ans d’ici, je vous fais le pari que cette guerre , si remarquable qu’elle nous paraisse à présent , sera complètement oubliée , à peine si une douzaine d’érudits se chamailleront encore par-ci, par là , à son occasion et à peine si une douzaine d’érudits se chamailleront encore par-ci , par-là , à son occasion et propre des dates des principales hécatombes dont elle fut illustrée... C’est tout ce que les hommes ont réussi jusqu’ici à trouver de mémorable au sujet les uns des autres à quelques siècles, à quelques années et même à quelques heures de distance… je ne crois pas à l’avenir, Lola.
Lorsqu’ elle découvrit à quel point j’étais devenu fanfaron de mon
Honteux état, elle cessa de me trouve pitoyable le moins du monde … méprisable, elle me jugea définitivement. Elle résolut de me quitter sur-le-champ. C’en était trop. En la reconduisant jusqu’ au portillon de notre hospice ce soir-là, elle ne m’embrassa pas.
   Céline, voyage au bout de la nuit, pp. 88-89(Ed. folio), 1932.



Analyse:


Le roman autobiographique se différencie de l’autobiographie d’un écrivain et qui fait le récit de sa propre vie. C’est un  genre littéraire que Philipe le jeune a défini le pacte à savoir 1-il faut que je remonte vers le passé pour raconter ma vie 2-il faut que je dise la vérité 3-il faut que mon nom soit celui du narrateur. Ce genre a connu ses heures de gloire au 17eme siècle avec Montaigne, au 18emme siècle avec J.J.Rousseau et son œuvre « confession », au 19eme siècle Chateaubriand.
Au XXème siècle, l’autobiographie a laissé sa place au profit d’un autre genre littéraire qui est l’autofiction. Ce genre a connu sa gloire avec Céline et son œuvre « Voyage au bout de la nuit »,1932 .
L’auteur n’existe pas dans le texte, l’auteur crée le narrateur qui va manipuler comme des marionnettes des personnages.  Ce dernier vient du terme « persona » qui signifie « masque de théâtres, ce n’est pas un être de chair, c’est un être de papier »[1] sans entrailles selon Nathalie Sarraute. Donc le personnage est une allégorie.
  La littérature n’est pas en chef lieu une photocopie de la réalité, i il y a justement des choses invisibles. Stendhal  affirme : « le roman est un miroir que l’on promène au bord du chemin ». Ça veut dire que le la fiction parle du réel mieux que le réel. Selon Aragon :
« Le roman est l'art de mentir vrai ». Le  roman n’est pas le reflet de la réalité. Il en est une élaboration.
 A ce propos rappelons-nous ce qu’il dit Saint Exupéry dans « le petit prince », sur la bouche du renard qui est l’allégorie de la sagesse : «  l’essentiel est invisible pour les yeux ».
Oscar Wild va renforcer cette vision dans son roman : Dorian Gray, il dit : «donnez-lui un masque, il vous dira la vérité »[2]. Ainsi, la fiction la fiction se nourrit du réel parce que dans le roman les personnages vrais se côtoient des personnages fictifs.



[1]  Voyage au bout de la nuit, Céline, 1932 
[2] Dorian Gray, Oscar Wild


Partager:

fadilo-kl

Post A Comment: